Acte 1 ; Scène 7 – Pucelin, Grelot, puis Capucine
Pucelin – Tous vos problèmes résolus d’un coup, grâce à mon stratagème !
Grelot – Seulement il y a un hic, Pucelin : je ne parle aucune langue slave.
Pucelin – Ne faites pas l’original : vous savez bien que c’est le cas de tout le monde. Et puis, voulez-vous décevoir Géraldine ? Auriez-vous jeté votre projet aux orties ?
Grelot – Moins que jamais. Mais comment porter en même temps votre flambeau, Pucelin, dans ce scénario qui me met en première ligne ?
Pucelin – Je ne me mêle pas de votre stratégie à vous. Conformément à notre serment, la mienne est au point, j’avance vos pions : vous êtes sur le seuil. Voici les moustaches en ailes d’hirondelle et la longue tresse ligure. À vous de trouver l’accent qui va avec.
(Grelot se déguise en rechignant)
Capucine (hors de la vue des deux compères) – Voici donc le fin mot de l’affaire, mes cocos…
Grelot – Voot faleti Pouiceline, Gérildine. Ma kiot volu kampré.
Pucelin – Ma parole, mais vous m’aviez caché que vous connaissiez la langue bulgare, Grelot !
Grelot – Autant que le bas de mon dos.
Pucelin – Je vous jure qu’on s’y croirait. Et… que disiez-vous, dans votre idiome ?
Grelot – Ah ça, c’est à vous de broder. Je ne vais tout de même pas gaspiller mon imagination en livrant les armes qui vous sont destinées !
Pucelin – C’est juste. N’inversons pas les rôles.
Capucine – Tiens, tiens : mes coquins sont non seulement de mèche, mais ils se font des papouilles. On va s’en taper une bonne tranche, je ne veux pas rater ça… Il n’empêche : qu’est-ce qu’ils peuvent bien trouver à Géraldine ?
Grelot – Kesim prosit blevska liu.
Pucelin – Tout à fait d’accord avec vous, on ne pourrait pas dire mieux !
Grelot – Bravo Pucelin ! Excellemment traduit.
Pucelin – Vieux souvenir d’école.
Capuc. (faisant mine d’entrer par hasard) – Ah Pucelin, je vous cherchais. Je voulais m’excuser pour tout à l’heure : je vous ai coupé dans votre élan avec ces histoires de confitures. Mais avec maman… Ah ! Qu’est-ce que c’est que cet Ostrogoth ?
Pucelin (à Grelot) – C’est le moment de tester en toute innocence notre stratagème, Grelot. (à Capucine :) Mon Balkanais, Capucine.
Capuc. – Un Balkanais ? Avec une tresse celtique ?
Grelot – Mizer frit myer ?
Pucelin – Il demande si vous connaissez le Péloponnèse.
Capuc. – Voyons… C’est une pâtisserie locale, genre pet-de-nonne, si ma mémoire est bonne ?
Pucelin – Non. C’est la presqu’île qui sépare la mer Égée de la mer caspienne. Au-dessus de la Grèce. Le pays (" Pélo ") des hommes tressés (" Ponnèse ").
Grelot (opinant et agitant joyeusement sa tresse) – Da. Tress missi. Tress hi hi !
Pucelin (gêné) – Monsieur Grelotte se réjouit de se mêler à nous comme sa tresse unit ses cheveux en une élégante torsade. Bref, comme vous le constatez, monsieur Grelotte est d’humeur joyeuse.
Capuc. – Je vois ça. Et je crois savoir que monsieur Grelotte va nous faire l’honneur de nous livrer demain sa magnifique prose en pet-de-nonnais ?
Grelot – Rim.
Pucelin – Monsieur Grelotte n’écrit qu’en vers, que je me chargerai modestement de faire rimer dans la traduction française, pour tâcher d’en rendre la couleur.
Capuc. – Ça va être du joli.
Grelot – Da. Choli. Ba bildiou questo ranc ov allah.
Pucelin – Monsieur Grelotte est assez gêné, mais il lui prend une petite envie. Si cela ne vous dérange pas…
Capuc. – Du tout, du tout. J’avais compris Pucelin. Ne me prenez pas pour une demeurée.
Pucelin – Ah ? Je ne savais pas que vous connaissiez le…
Capuc. – Le pet-de-nonnais ? Je ne connais que ça ! Bon, je vous laisse à vos interprétations. J’en serai demain.
Les 2 – Sans faiblir, main sur le cœur !
Capuc. – Vous dites ?
Grelot (tâchant de rattraper le coup) – Boulgour niet, boum boum chic !
Capuc. – Dit comme ça, c’est on ne peut plus clair.
Pucelin – Voilà. Boulgour niet, boum boum chic : c’est exactement ce que je voulais dire, Capucine.